Le genre de soir où il n’y a personne. Le genre de soir habituel quoi. Il y a toujours le vieillard qui ne semble jamais vouloir disparaître. Le regard sénile, la barbe grise…Un déchet humain que la société m’a refilé. Laquelle de ces sociétés? J’en sais fichtre trop rien. Mais, cela n’est pas la question qui m’occupe là, maintenant, tout de suite.
Je suis accoudé à mon comptoir. J’ai la tête entre mes mains et je regarde fixement la porte, l’air absent. Je me demande si la jeune aveugle va revenir faire un tour ici prochainement. Ça me plairait rien de la revoir celle-là. Je singe de bailler bien que le sommeil ne fait pas tellement partie de mon état de Dieu. J’ai toujours trouvé ce tic humain marrant. Alors, je l’imite. Mais, au final, ce n’est pas tellement la jolie dame qui occupe mon esprit à bien y repenser ni même l’ennuie. Je suis en train de vivre un dilemme terrible. Et oui, je me demande qu’est-ce qui me tape le plus sur les nerfs…
-Ah ! Ah ! Vous voilà enfin !..
…Le fait que ce vieil imbécile recommence sa tirade habituelle ou…
-Un autre dé à coudre M’sieur le tavernier!!
…Ou…Ça. Mes deux seules clients de la journée. La voix suraiguë de la petite bestiole à moins d’un mètre de moi vient me déchirer les tympans. Oh, misère, au pourquoi. Alors, les paries sont ouverts, qui réussira à me faire sortir de mes gonds le premier? La fée alcoolique qui brillent tellement que j’en ai mal aux yeux ou l’autre cinglé? Je regarde Gizmo d’un air suppliant. Bien sûr, cette saleté de rat sur le comptoir ne fait rien de mieux que de grignoter les miettes de je ne sais quoi qui tombe de ma barbe alors que je passe ma main dedans. Je grogne mais le petit bout de femme insiste. Je lui remplis son foutu dé à coudre.
-Promets-moi que c’est le dernier celui-là? Okay?
Je grogne et passe un chiffon sur le comptoir à en faire lever la poussière.
-Tu couines plus que le rat ma parole!