Cachons les cadavres et les secrets [Libre]

Un vieil homme s’achemina sur des sentiers pavés, les mêmes engourdis par les vents frais de la nuit. Voilà peut-être la raison pour laquelle il resserrait les pans de sa cape autour de lui et pressant aussi paquet contre sa poitrine. D’une main munie d’un bâton, il s’aidait à traverser les routes de la cité. Certains diront peut-être qu’il s’agissait là d’un mendiant en tenue rapiécée et cruellement pauvre, tenant dans ses bras des miches de pains noircis et des fruits de mauvaise qualité ou encore des biens d’une valeur inestimable aux yeux de ce vieux fou. En fait, ces gens se trompent, assurément. Le vieillard préserve amoureusement dans cette folle étreinte une flûte et une petite harpe ciselées d’or et bien d’autres articles nécessaires pour un barde.

Thom Merrilin est un visage que l’on connait dans bien des contrées et cités, son nom est réputé pour son savoir et sa folie en plus de sa qualité de raconter des histoires époustouflantes et saisissantes. Après tout, Thom Merrilin, autrefois magicien dans son ancienne patrie, est un homme de talent requis à la soirée d’un empereur. Effectivement, l’empereur du Ghealdan l’a fait quérir afin d’écouter ce célèbre conteur en vue de se divertir, ignorant à la perfection les avis de ses conseillers sur l’état de santé de ce vieil homme. Et si l’empereur l’exige, alors l’empereur aura. C’était la devise que le peuple psalmodie selon leur bon plaisir.

Il fallut deux semaines aux messagers impériaux avant de trouver le barde dans une auberge confinée dans les bois et une semaine avant que celui-ci ne se décide à accepter la proposition – ou le commandement – de l’empereur avec le bon aide de l’aubergiste grossier et barbu. Thom franchit les murailles trois jours avant la fameuse soirée organisée en l’honneur de l’anniversaire de l’empereur, coupa vers une taverne de sa connaissance, fit quelques représentations, débita l’histoire du dieu Khayal, reçut un certain montant pour ses récits et poursuivit son chemin vers l’enceinte impérial, perdu dans ses pensées, le visage hagard.

Une fois parvenu aux murailles du palais, gardées par quelques soldats à l’odeur rance, Thom Merrilin se figea sur place, releva des yeux lointains en direction des hommes en cuirasse, inclina la tête pendant un long moment, s’ébouriffa la crinière d’une main brusque et adressa un sourire absent aux étrangers.

-Bonjour, les salua-t-il d’une voix faible, mais bien portante. Oh…plutôt bonsoir.

Thom émit un léger rire amusé, les lèvres retroussées en un sourire jovial et enthousiasme. Il s’appuya sur son bâton et s’annonça distraitement. Les soldats, d’abord étonnés, s’évaporèrent pour le laisser passer et reprirent leur position initiale après la disparition du conteur dans la cour du palais.

Le magicien fit quelques pas, lança des coups d’œil désintéressés autour de lui, aperçu une fontaine merveilleuse et tout près d’elle, une haute silhouette droite. Thom fit claquer sa langue contre son palais, reprit sa pénible randonnée et s’adressa dirrectement à l’individu plongé dans les ténèbres.

-Mon bon ami ? Pouvez-vous aider un vieil homme ?

Thom sourit, découvrant par ce fait même ses belles dents blanches, lissa sa barbe lentement, comme s’il réfléchissait à quelque chose.

-Je viens de loin pour le bon plaisir de l’empereur. Je suis éreinté. À dois-je m’adresser pour obtenir une chambre décente et une brève entrevue avec le trois fois honorés Empereur ?

[Désolé, à chaque fois, après mon premier post RP, la qualité de mes autres message empire de plus en plus... Je ferai de mon mieux !]

Un petit oiseau sillonnait les graviers, au beau milieu de la cour, à la recherche d'une éventuelle nourriture, quand un autre plus grand s'aventura à le bousculer. Laissant faire la nature (bien qu'il ne lui arrive de l'aider en ce qui concerne la mort), Theor observait ces deux oiseaux se chamaillant sans aucune raison. Le premier écartait ses ailes pour intimider le plus grand, mais celui ci en aurait presque fini. Les batailles de petits oiseaux comme ceux-ci ne finissent jamais par la mort de l'un d'eux. Ainsi, au bout d'un certain moment de banales hostilités, le petit oiseau se retourna et s'envolait pour se poser auprès de ses autres confrères agrippés aux gargouilles et aux fascades. Fascinant... Enfin, il fallait vraiment être un démon pour trouver ce genre de choses intéressant. En fait, ca ne méritait même pas l'attention de qui que ce soit, mais ce spectacle suffit largement pour distraire Theor un moment. Un gardien commençait à allumer les bas-lampadaires de la cour -qui n'était accessible qu'aux amis de l'empereur à partir des heures tardives-, alors qu'un vieil homme, qui visiblement en aurait rapidement finit creusait bruyamment sa marche dans les graviers. Tac, Tac, Poc ; le vieil homme s'appuyait sur une canne, et il s'approchait de Theor qui ne sortit de son nuage qu'une fois que l'inconnu ne lui adresse la parole. Celui ci lui demanda de l'aide pour s'entretenir avec l'empereur. Dans la plus parfaite humanité, Theor en se levant lui répondit d'une voix forte et neutre.

"Trois fois ? Vraiment ? J'ignorais que l'Empereur était si populaire... Enfin, je n'ai pas non plus des relations assez élevées avec celui ci pour le connaitre. Vous devez... Oh, mais pardon. Désolé monsieur, je ne peux pas vous répondre. Je crois que les gardes là bas sauront vous guider."

Theor était debout face au barde. La différence se fit flagrante. Les épaules de l'étranger étaient écrasées par le poids de la vieillesse, son visage laissait imaginer sa rigueur d'antan qu'il délaissait petit à petit, ses vêtements n'étaient que des draps simples aux couleurs ternies et délabrées... Seul le fond de ses yeux lui donnait un peu d'éclat et de prestance. A côté, Theor se tenait droit dans son uniforme, les deux mains gantées sur son sceptre sculpté, les yeux vides de sentiments et d'empathie. C'était une situation presque comique. Ce barde, aux allures de vieux fou connaissait mieux le roi que Theor !! Ce dernier, qui était quand même ici depuis 6 ans, avait souvent entendu parler de Thom. Tout ce qu'il en entendait, c'était que celui ci était un vieux barde, bibliothécaire à ses heures et qu'il connaissait très bien l'empereur. Mais Thom était surtout un redoutable magicien qu'il ne fallait pas se permettre de laisser courir avant la prochaine apogée de Khayal...

Il n'était pas dans les habitudes de Thom de sourire aux gentils étrangers. Non, Theor se tenait toujours en position "garde-à-vous", comme un chien bien dressé. Et vous savez ce qu'on dit, même un chien bien dressé peut mordre. Seulement, Theor était élevé par son maitre Khayal dans le but d'être une bête de combat sans pitié, aux allure de chien de sang noble. Ca fonctionnait pendant 6 ans, et même si Theor n'avait jamais tué d'aussi puissant "infidèle" que Thom, il n'y a pas de raison pour que ca ne fonctionne plus. Thom était surement puissant, mais était-il intelligent ?

"Vous êtes Thom Merrilin, n'est ce pas ? Ravi de faire votre connaissance. Je suis Theor Milan, architecte, du roi, en l'occurrence."

-Ahh…Architecte du roi ?

Thom Merrilin hocha la tête comme s’il répondait à une question par une affirmation silencieuse. Puis, il tendit un sourire bienveillant à l’étranger au visage sévère et s’arc-bouta près de sa canne improvisée, comme éreinté par son long et périlleux voyage à travers les terres de l’Empereur. L’architecte avait une fort belle mine, constata vaguement le barde en souriant toujours. Grand et fort malgré son âge avancé, encore rigide et d’une carrure ravissante pour un homme de son calibre. Thom se tapota doucement la lèvre inférieure, sourit de plus belle et soupira de contentement.

-Vous connaissez l’histoire d’Isbreala et de Cloirus Campre, de leur funeste destin, de la trahison de leur fils aîné et du massacre de leur seule fille, maîtresse des contrées Yhaldar à l’époque de leur gloire, bien avant que ce royaume ne tombe en ruine aux mains de l’envahisseur des Tribans. Oh, bien entendu, c’est une agréable et touchante histoire figurant quelques centaines d’années avant l’apparition du Ténébreux. Mais peut-être êtes-vous le genre d’homme favorisant les récits d’aventures épiques et rocambolesques, ou encore un fanatique de légendes anciennes, un friand de l’histoire du Ghealdan ou des différentes croyances de nos peuples. Que cela se tienne ! J’en ai une panoplie dans mon sac. Mais prenez place sur ce banc, mon gentil monsieur que je vous raconte gracieusement un récit merveilleux peuplé de créatures magnifiques, de péripéties vivifiantes et pétrifiantes et de personnages complexes et puissants.

Dès le commencement de son discourt, Thom s’agitait fiévreusement. Bien qu’il puisse paraître épuisé et lourd de fatigue, cet homme se nourrissait d’une nouvelle énergie une fois qu’il avait l’opportunité d’exercer son métier. Même seul, Thom Merrilin s’élançait dans des histoires fabuleuses et intéressantes, complètement absorbé par ses pensées et sa passion des récits merveilleux.

-Laquelle voudriez-vous entendre, mon bon monsieur ? La catin de Trécha ? Les palpitantes courses de chevaux de l’Empereur Valérius ? Le sort des trois voleurs ? La duchesse et son venin ? Le liberté et ses frivolités ? La légende du Dieu Khayal ? Celle-ci ? On le me réclame souvent celle-là.

Enthousiasme, Thom ne pouvait s’empêcher de sautiller gaiement comme un petit enfant tout en s’emportant de façon démesurée. Distraitement, il se frotta le nez, les yeux hagards et pivota sur lui-même, à la rechercher de quelque chose en particulier. Au loin, près des murailles, les soldats ayant perçus le monologue exaltant du barde prêtèrent les oreilles avec le désir de se divertir en écoutant une histoire.

-Alors mon bon monsieur l’architecte du roi ? Que souhaitez-vous entendre ?

Thom avait déjà oublié son entretient important avec l’Empereur.